L’imaginaire au cœur des images d’I-Aveyron.fr
Intention générale des images
Le principe général est de proposer des images générées par une IA (IA générative) à la fois proches de la réalité et souvent légèrement décalées ou complètement impossibles. Leur style photographique peut favoriser l’immersion de l’observateur dans l’univers de l’image. Elles racontent ainsi une histoire… imaginaire de l’Aveyron dans la veine des œuvres de P. Toledano sur New York.. En 2023, très peu d’images générées par IA concernent l’Aveyron (chasseurs, stade).
Ce projet créatif s’est étalé de mars 2023 à aout 2024 ; il s’est appuyé sur la génération de 3252 images pour une publication sur ce blog de 300 images soit environ une image publiée pour dix générées. Une vingtaine d’Histoires et vingt images Surprises ont été diffusées.
Le principe de la série
Les thématiques des séries (catégorie « Histoires ») sont variées, au fil de l’inspiration et des représentations traditionnelles de ce département à la forte identité visuelle. L’IA permet de détourner, retourner, modifier des représentations partagées. Les images d’I-AVEYRON peuvent laisser parfois songeur, faire sourire ou encore provoquer une colère légère et espérons passagère.
Ces images fonctionnement par série et dans chaque série, elles se répondent, interagissent, se contrastent, créent des paradoxes, etc. Les images ‘surprise’ sont plus isolées mais se répondent aussi dans une même thématique du glitch. Pour cette raison notamment, elles se prêtent mal à une diffusion sur les réseaux sociaux qui valorisent plutôt une seule image à la fois.
Dans ces séries, trois idées principales
Au fil des créations, trois approches sont apparues et s’ancrent dans des courants artistiques émergents. A ce jour, les IA génératives sont utilisées principalement pour des portraits comme pour la célèbre imitation de la fille à la perle de Julian van Dieken ou les portraits réalistes de Jos Avery ou plus futuristes de Jean-Luc Michon. Même si IAVEYRON présente quelques séries de portraits (Couples d’autrefois, Roquefort Movies), la plupart sont principalement inspirées par trois approches :
- Imaginer un réel impossible : Naïa Combary a publié une belle série créée à partir de prompts-prières qui proposent des images espérées. L’IA permet de créer des imaginaires très réalistes et ce réalisme facilite l’immersion comme dans le livre de Phillip Toledano. La distance entre réel et imaginaire peut aussi être drôle comme dans les projets d’ Antti Karppinen ou inquiétant comme dans les œuvres d’Alexis Choron ou encore décalé comme dans les projets de Saby Maviel ou If-Only. Dans IAVEYRON, cette orientation se retrouve dans les histoires suivantes : Vaches d’Aubrac, Étonnants visiteurs et Expositions itinérantes du musée Soulages, Nuits d’Aubrac, Joyeuses statues menhirs, Après la guerre des Étoiles, Roquefort Movies. Les surprises générées par l’IA peuvent entrer dans cette logique.
- Interroger nos représentations par l’imagination : l’IA génère des images à partir de bases de données existantes. En plus des problèmes juridiques posés par cette méthode, les images générées intègrent et synthétisent des représentations visuelles. Kevin Abosch a développé plusieurs séries dans cette veine et questionne nos conceptions des manifestations, du nucléaire, etc. De même, Louis Cyprien Rials en créant des photos d’un monde imaginaire interroge nos représentations des pays arabes. Dans IAVEYRON, ce questionnement des représentations se retrouve dans les séries suivantes : Couples d’autrefois, Les Sixties, Aveyron Humaniste interrogent nos conceptions du passé ; tandis que Héros du trail, , La peur du loup, Valeurs de l’Aveyron, Viaduc de Millau reviennent sur des représentations actuelles.
- Imaginer le futur : l’IA est un outil facilitant la mise en image du futur. Mickael Chistopher Brown a imaginé un futur d’une vallée américaine, la Skagit Valley entre rêve technologique et cauchemar humain. De même, Y. Marchand et R.Meffre imaginent un Paris en ruine, entre urbex et dystopie. IAVEYRON a imaginé des futurs dans la perspective du réchauffement climatique : Réchauffement climatique, Savane aveyronnaise, Dans 50 ans être une vache aveyronnaise, Aubrac les flots, Mobilité verte, Un avenir désirable, Après l’effondrement.
Ces trois idées générales se recoupent ; par exemple, imaginer le futur interroge nos conceptions de l’avenir et propose un réel parfois impossible. Ces trois approches structurent les histoires proposées dans IAVEYRON et chaque observateur pourra trouver dans l’une ou l’autre de ces idées un écho à ses propres questionnements ou à ses émotions.
L’intention avant la technique
Prompts maitrisés vs prompts ouverts
Ce site n’est pas orienté vers la dimension technique de l’IA dans le sens où il ne détaille pas les processus permettant d’obtenir ces résultats (sauf un peu pour la catégorie « Surprises »). L’IA n’a rien de magique ni d’instantané, il faut souvent de nombreux essais (environ 90% des images ne sont pas conservées) et un dialogue parfois étonnant avec ces algorithmes pour avoir une image satisfaisante. Le fameux ‘prompt’ ne fait pas tout, loin de là, les choix et le regard sont importants. Inversement, des surprises agréables apparaissent çà et là. Globalement, les prompts utilisés sont assez simples, plutôt courts. Le choix de l’auteur humain concerne plus la thématique, l’intention puis les images proposées qu’une volonté de maitrise technique du prompt.
Intelligence artificielle, sténopé et poterie
Utiliser une IA générative ne revient pas à faire certains montages avec des logiciels comme Photoshop (*). Il existe avec l’IA une part de surprise qui rapproche paradoxalement cette méthode des premiers procédés photos comme les sténopés. De même, la poterie mêle maitrise et surprise :
‘Alors le feu et les cendres déterminent les couleurs ? Oui, et aussi la position de l’objet. Pour obtenir la teinte souhaitée, bien sûr, il faut avoir beaucoup de pratique et se fier à son intuition. Quand même, c’est impossible de prévoir exactement le résultat. C’est accidentel, comme la vie.’
Aki SHIMAZAKI, Suzuran une clochette sans battant , Babel éditions, 2020, p. 54

La question délicate de l’auteur des images et de son statut
Qui est l’auteur des images ?
Ce site I-AVEYRON présente des images générées à l’aide d’une intelligence artificielle. Ces images concernent le département de l’Aveyron. Elles sont co-construites par un auteur humain, membre de PPF Passion Photo France (intention thématique, rédaction des prompts successifs (requêtes), choix des images, améliorations éventuelles avec DXO (contraste, composition, lumières…) et une intelligence artificielle Midjourney.
Comme pour une photo traditionnelle, le résultat dépend à la fois du message mis en valeur, de la technologie et aussi de l’auteur. Actuellement,les récepteurs d’une image générée par une IA sont étonnés voire impressionnés par la capacité de l’algorithme à obtenir ce résultat très réaliste en oubliant le travail de l’auteur.
Or, qui penserait au modèle de l’appareil photo en regardant une photo d’Ansel Adams ? Pour prendre un exemple aveyronnais, qui se poserait la question du modèle de spatule qu’a utilisé Pierre Soulages ?
Les différentes positions, focalisées sur la technologie, le message ou l’auteur, sont contestables car une ‘belle’ image est souvent l’heureuse interaction de tous ces éléments. Les images générées par une IA n’échappent pas à cette idée ancienne. D’ailleurs la plupart des auteurs actuels ont une autre activité, photographes souvent. Comme si une autre pratique artistique, plus classique, justifiait (voire excusait) l’utilisation de l’IA. Les ‘pure players’ sont encore rares.
Est-ce une démarche artistique ?
De cette idée découle le questionnement du statut de l’auteur : esclave d’une technologie, usurpateur, artisan, artiste, photographe, exploiteur de données, etc. ? Certains considéreront que générer des images avec une IA est une activité trop simple, trop rapide, trop banale pour être qualifiée d’art. C’est très mal connaitre ces approches, leur diversité et les courants artistiques émergents qui se développent rapidement. Ce raccourci peut s’expliquer par une méconnaissance d’outils encore peu utilisés ou traduire un certain conservatisme qu’ont subi toutes les nouvelles formes d’expression, des impressionnistes à la photographie, en leur début, avec les mêmes critiques, les mêmes conceptions. Certaines galeries diffusent ce type d’images (DeadEndGallery, Mixtamediartgallery, Maiiart, HackerNoon, Polka, VOZ‘Galerie, Nagel Draxler, laCollection, 1of1, Anne Laure Buffard, L’Avant Galerie, Office Impart, Verse Works, Jean Kenta Gauthier, Nome, etc.) et d’autres surtout pas.
L’art est un concept difficile à définir, sociologiquement orienté, critiqué, critiquable et finalement pas toujours nécessaire. L’auteur de ce blog préfère laisser la liberté à chaque visiteur le soin de catégoriser lui-même les réalisations publiées et surtout ressentir des émotions qui lui sont propres.
Certains nommeront alors le co-créateur d’images générées par IA sans utiliser le terme d’artiste et préfèreront un nom ad hoc comme ‘artifte’ (Michaud 2024) ou IA artiste et pas artiste tout court.
IA, ruralité et réalité
Dans la même veine, le fil conducteur de ce blog, l’Aveyron, peut poser question dans la perspective des courants artistiques actuels et de la création contemporaine. Si Pierre Soulages est un artiste aveyronnais reconnu internationalement, ses œuvres ne font pas directement écho à ce département. De même l’IA, actuellement considérée comme moderne, semble peu conciliable avec la ruralité assumée de l’Aveyron. Il y aurait comme un hiatus.
De même, les créations actuelles utilisant l’IA focalisent beaucoup sur les portraits (Jos Avery), les personnes célèbres (U2P050), les œuvres connues (Julian van Dieken) ou encore les villes célèbres comme Paris ou New York. Question de référentiels et de perspective. En montrant des visages humains mais inexistants, des villes connues mais transformées, l’image souligne, notamment, la réduction fascinante de l’écart entre réalité et fiction, un mythe de la caverne actualisé. L’exigence du buzz des réseaux sociaux et certaines tendances du marché de l’art peuvent aussi expliquer la nécessité d’images lisibles, compréhensibles, vendables et acceptables.
Bref, il peut paraitre incongru d’associer IA et Aveyron.
Or, l’auteur de ce blog habite dans l’Aveyron. Sa réalité quotidienne est celle de la ruralité et pas du tout des people ou des peintures de musées célèbres. Utiliser l’IA pour imaginer un département rural est une démarche un peu décalée, à l’encontre de la soi-disant modernité de cet outil. Pour autant, l’intention est toujours de questionner une réalité dont la connaissance favorise la mise à distance. La ville n’a pas le monopole de l’imaginaire ou de la création même si elle semble majoritairement représentée dans les images du web.
Une IA générative comme Midjourney se base sur des banques d’images issues du web, notamment. La pertinence des images dépend du volume existant. Comme Paris ou New York sont des villes beaucoup plus photographiées que Rodez ou Millau, la génération d’images sur la ruralité est aussi une façon d’interroger une nouvelle forme d’enclave numérique. L’IA risque ainsi de souligner des clichés sur une ruralité pourtant multiple.

Le paradoxe environnemental des IA génératives
Certaines séries publiées sur ce site concernent l’environnement comme le Réchauffement climatique, Savane aveyronnaise, Dans 50 ans être une vache aveyronnaise, Aubrac les flots, Mobilité verte, Un avenir désirable.
Or, créer des images avec une IA consomme de l’énergie (entrainement de l’IA, serveurs, requêtes, etc.), émet du CO2 et contribue ainsi au réchauffement climatique. Publier une série pour sensibiliser au réchauffement climatique tout en émettant du CO2 est pour le moins paradoxal.
Un estimation des émissions CO2e d’une image générée par Midjourney
Certaines analyses tendent à relativiser ces émissions en comparant avec une activité humaine : « Les systèmes d’illustration IA émettent entre 310 et 2 900 fois moins d’équivalent CO2 par image que leurs homologues humains » (Tomlinson 2024). Mais ces comparaisons sont délicates et se basent sur des hypothèses très critiquables. Et de toute façon, les émissions, même relativement faibles, ne sont pas souhaitables.
Une étude récente estime que « le modèle de génération d’images le plus gourmand en carbone (…) génère 1 594 grammes de 𝐶𝑂2 pour 1 000 inférences (traduit par prompt, N.d.T.), ce qui équivaut à peu près à 4,1 miles parcourus par un moteur à essence moyen » (Luccioni 2023 p. 6) soit 1,5 gramme environ pour une image générée pour le seul prompt. Il faut cependant prendre aussi en compte l’entrainement de l’IA qui consomme aussi beaucoup d’énergie, d’autant plus lorsque l’IA est performante comme Midjourney. Les estimations sont très variables selon les études, nous retiendrons une part de 40% pour l’entrainement de l’IA (Patterson 2022).
Le total pour une image générée est ainsi de 3, 72 grammes CO2e. Plus concrètement et selon le simulateur de l’ADEME, la création de chaque image correspond à 1 km de métro ou encore 16 mails envoyés par un ordinateur portable sans pièces jointes . Pour une image publiée sur ce site, 10 images en moyenne ont été conçues soit 37, 2 grammes ce qui équivaut à 1 km en autocar. En un an, pour ce projet, environ 3000 images sont générées ce qui représente 11 kgCO2e soit 50 km en voiture thermique toujours selon l’ADEME.
Par ailleurs et surtout, ces estimations se basent sur des émissions directes (scope 1) et surtout indirectes (scope 2, consommation d’électricité) mais pas de niveau du scope 3 (achats des matières, transports, etc.) qui représentent 75% des émissions CO2 en moyenne selon le CDP.
Il est alors plus réaliste de considérer que chaque image générée contribue à l’émission de 14, 87 grammes de CO2e soit 4 km de métro ou 17 mètres en voiture thermique pour une seule image ou encore 200 km de voiture thermique pour ce projet annuel soit 45 kgCO2e.
IA, environnement : responsabilité individuelle et collective
Ces émissions sont à la fois faibles pour un individu et énormes si on considère l’ensemble des utilisateurs. On peut espérer que les émissions carbone des IA diminueront dans les prochaines années (Kumar et Davenport 2023). A l’heure actuelle, la génération d’images par IA n’est pas neutre en CO2. Son impact est important et tend à être relativisé par certains acteurs prônant sa diffusion. Néanmoins, avec les données actuelles, l’impact semble raisonnable en comparant à un appareil photo (environ 28 kg) et surtout les trajets nécessaires pour faire une photo. L’IA peut ainsi être considérée comme un outil plutôt responsable de sensibilisation aux dérèglements environnementaux, les actions concrètes de diminution des consommations énergétiques étant, bien-sûr, plus vertueuses.
En même temps, l’IA est une bombe climatique si on prend en compte le nombre d’utilisateurs. En 2023, Midjourney comptait 17,5 millions d’utilisateurs. Si chaque utilisateur avait le même usage que ce site, cela représenterait environ 800 000 tonnes de CO2e (un vol Paris New York faisant un peu moins d’une tonne).
Caractéristiques techniques des images
Toutes les images sont au format 3:2 pour plusieurs raisons : cela laisse de la place pour le contexte, l’Aveyron en l’occurrence ; ce format classique peut favoriser l’immersion dans l’histoire imaginée. Les images publiées ont généralement 800 pixels de large pour une résolution de 150 dpi qui permet une bonne visualisation sur un écran mais une impression médiocre. D’autres formats retraités et de meilleure qualité (300 dpi) sont disponibles du demande.
Bilan du projet créatif, clôture et échanges
La création et la publication de ces 300 images ont été un vrai plaisir. L’IA est un outil puissant qui laisse libre cours à l’imaginaire. Paradoxalement, la série sur les Surprises était la plus stimulante. Contrôler l’IA pour un usage professionnel est encore difficile ; dans une optique plus créative, l’inattendu est le bienvenu.
Pourtant, ce projet ne continuera pas au-delà de cette année d’expérimentation créative pour plusieurs raisons :
- l’usage de bases de données mal sourcées pour entrainer l’IA et la problématique des droits de propriété est un questionnement important encore très mal pris en compte par Midjourney, notamment ;
- même si l’impact environnemental de ce projet est limité (environ 200 km en voiture), la masse des utilisateurs totale transforme ce type d’outil en bombe climatique. Comme pour les transports, la crise climatique devrait faire réfléchir à la pertinence des usages et à leur usage raisonné. Pour ce projet, les images publiées montrent suffisamment ce que l’auteur voulait diffuser, inutile à ce stade d’en faire plus. Autrement dit : le quota d’IA générative a été utilisé ;
- l’usage fréquent de l’IA, jusqu’à une dizaine d’heures par semaine tend à éloigner de la réalité. Parfois, la réalité ressemble à l’IA et non l’inverse ce qui est pour le moins troublant… Un usage raisonnable et limité comme n’importe quel outil informatique est une recommandation de bon sens, éprouvée lors de ce projet créatif ;
- les statistiques de fréquentation du site sont modestes (5 visiteurs par jour en moyenne sur l’année, de 0 à 30, en progressions lente) et les sollicitations encore rares ; la volonté de ne pas utiliser les réseaux sociaux a sans doute limité la diffusion. Le très bon référencement pourra cependant favoriser la longue traine du Web ce qui constitue une autre approche de la temporalité du numérique, assez paradoxale face à la rapidité de l’IA ;
- il semble intéressant aussi de placer ce projet au début de l’usage des IA génératives comme trace mémorielle. En effet, les outils progressent très vite et il est probable que la série sur les Surprises soit impossible dans quelques années. Les photographies anciennes sont intéressantes et conservées, qu’en sera-t-il des premiers essais de l’IA générative ?
Pour ces différentes raisons, ce projet créatif se limitera à ce stock déjà conséquent d’images publiées ; souhaitons que ce corpus puisse contribuer à des échanges constructifs et, espérons, des réflexions sur l’IA générative, son intérêt et ses limites.
(*) toutes les images de ce site sont garanties sans aucun usage de Photoshop. Étonnant comme certains soupçonnent des couches artificielles inexistantes, un peu comme l‘arroseur arrosé…